le soir, c'est la fête ! |
On vous a déjà entretenu de notre attrait pour les séjours à la campagne, sans eau courante, ni électricité, ni télé, ni frigidaire. Deux ou trois fois l’an passé, nous avons séjourné dans un village au pied du mont Ibity. Avec quelques amis, nous avons récidivé ce week-end de la Toussaint à Ambohidranandriana, un autre village, à 1h d’Antsirabé.
Les enfants, toujours plus franchement curieux que les grandes personnes, courent le long de la piste pour voir ces quelques vahines ( étrangers), qui s’aventurent dans leur paisible campagne ; certains s’enfuient à toutes jambes, peut être en souvenir des histoires de vazahas mangeurs de cœur d’enfants, version malgache du petit chaperon rouge et du grand méchant loup. Après le passage d’une porte faite d’imposantes pierres dressées, genre menhirs gaulois, nous pénétrons dans l’œuf originel de ce plus vieux village du Vakinankaratra, encore entouré de ses fossés de défense du 18ème siècle. Nous découvrons une place où une stèle commémore l’indépendance acquise en 1960 ( photo) après une insurrection (1947) très durement réprimée par les autorités françaises.
Les Anciens nous attendent. L’un d’ eux nous souhaite la bienvenue tout en déplorant le tarissement de la seule source d’eau potable, ce qui oblige les femmes et les enfants à aller chercher loin l’eau nécessaire; un autre, pasteur luthérien, nous fait part de sa préoccupation d’écrire l’histoire afin que la mémoire des lieux ne se perde pas. Car ici vécut le roi Andriamasoandro et tous les habitants sont ses descendants. Avec nos guides nous entreprenons la visite du village « hors fossé », traversons les rizières (encore vierges de plants) désespérément sèches, allons jusqu’à la source qui laisse sourdre quelques rares gouttes d ‘eau. C’est sûr qu’après ça, on se lave les bouts des doigts avant de passer à table avec une autre conscience et on prie (car la source a aussi un caractère sacré !) pour que tombe la précieuse pluie . L’école primaire, toute neuve et toute bleue, est entourée de magnifiques cierges d’euphorbes.
On découvre la fabrication du compost, les semis de riz sur platebandes, la fromagerie artisanale (et ses mouches), la fabrication d’oiseaux en cornes de zébu, la confection de petites soubika avec des herbes des champs, le bureau du Fokontany (annexe de la mairie) reconnaissable au drapeau national, et la seule épicerie du coin capable de fournir de la bière…
Un goûter nous attend : beignets succulents salés ou sucrés, à la banane, à la pomme de terre, au manioc, tisane de citronnelle et café. Le soir tombe. Lycéen en terminale, le fils d’un des animateurs du village prend sa guitare et commence à chanter des airs malgaches repris en chœur par une troupe d’enfants attirés par la musique comme les papillons de nuit par la lumière. C’est beau, joyeux, émouvant. On danse avec eux pour communier à l’allégresse ambiante. Les gamins sont fous de se voir sur les appareils photo ! Un dîner suit, avant que le feu de camp prévu ne soit interrompu par un orage trop court pour apporter l’eau tant espérée. On termine la soirée en chantant à l’intérieur de la maison en pisée de Hanitra et Perline. La musique malgache a ceci de particulier qu’elle est à trois temps désynchronisés (pas comme la valse) difficiles à suivre et qu’elle utilise beaucoup de dièses.
La nuit est calme, reposante. Le coq chante une fois, à 4h du matin, 2 fois à 5h, puis il n’insiste plus : à quoi bon, le jour est levé, d’autres activités l’attendent. Pour nous ce sera une excursion de plus de 10 km. L’aller est rude, tout en montée. On croise de nombreuses villageoises qui descendent au village portant sur la tête d’énormes charges de bois destiné à être vendu comme combustible. Cécile essaie pour voir, la charge qu’elle se met sur la tête est loin d’être aussi lourde que celles de certaines femmes qui font cela, pieds nus sur des dizaines de kilomètres ! … (photo).
Les hommes, eux, portent des sacs de charbon de bois sur d’étranges brouettes, fabrication artisanale locale, très étroites. La forêt est exploitée, saignée sans grandes préoccupations environnementales par l’usine « Cotona » (textiles en coton !!) d’Antsirabé. Charpentiers et menuisiers du secteur peuvent aussi acheter du bois sur pied. Une forêt exploitée donc gardée, qui ne subit pas les assauts du feu comme partout ailleurs…
Ca y est, on arrive au bord d’un petit lac. Son eau, bien qu’un peu boueuse, est très prisée pour laver le linge, faire les shampoings et la toilette des enfants, permettre aux zébus et aux porcs de boire, aux canards de patauger. Des garçonnets s’amusent comme des petits fous à dévaler les pentes alentour sur un rustique charriot fait de trois rondins et quatre roues de bois et cécile se donne en spectacle ! ( photo).
Deux animateurs nous rejoignent à vélo, apportant un pique-nique royal : maïs blanc aux fines herbes, ravitoto ( porc + feuilles de manioc), yaourt, le tout arrosé de jus de carottes et de tamarin , que du diététique quoi !
Et c’est le retour. En chemin nous discutons avec nos guides, professeure au CEG, ou paysans ayant parfois étudié jusqu’en terminale, gens lettrés comparés à la grande majorité des villageois qui ne savent ni lire ni écrire. Il est bien sûr question du prochain référendum constitutionnel de novembre ; nos guides dénoncent le manque d’informations sur le sujet comme sur le programme d’élections à venir destinées à sortir le pays de la crise… D’ailleurs on se demande quelle est la valeur de nos règles démocratiques dans un pays où sévit l’analphabétisme. La base même de la démocratie n’est -elle pas d’abord la justice, le respect et la préoccupation des citoyens par les dirigeants ? Qu’attend le peuple sinon d’abord de pouvoir manger à sa faim, d’avoir un toit qui ne prend pas trop l’eau quand il pleut, de se soigner et d’envoyer ses enfants à l’école ?
En campagne vit encore ¾ des malgaches. Nous aimons ces échanges qui nous font découvrir des animateurs ruraux, responsables, ouverts aux autres, curieux de nouvelles expériences, désireux de participer à une dynamique de développement favorisée par le « coup de pouce » de l’éco-tourisme. Ils sont les piliers de cette terre, résistant au découragement généralisé. C’est vivifiant et redonne confiance dans l’avenir du pays.
NB : la région du Vakinankatra où nous habitons ressemble à l’Auvergne par ses longues chaînes d’anciens volcans et par ses sources thermales dont l’une s’appelle « Rano visy » ( « eau de Vichy » ) en raison de sa composition chimique très proche de celle de Vichy. C’est sans doute la raison du rapprochement entre les deux régions, et l’aide apportée par la région Auvergne en termes de formations en langue française, animation, artisanat local ( cuisine, hygiène, poterie, vannerie, ferronnerie, broderie, etc…) pour les habitants des 4 sites proposant un « accueil villageois ».
bonjour,
RépondreSupprimerenseignant d'histoire-géo en france, je prépare de cours sur le développement durable et en particulier sur le tourisme durable à Madagascar. Votre regard m'intéresse. J'attends la suite de vos pérégrinations avec impatience. En particulier, je me demande ce que le tourisme a apporté concrètement à ces villageois que vous rencontrez(réalisation de projets locaux faits, en cours ou à venir, quels aménagements ont été réalisés pour l'accueil des touristes...)Quelles sont les retombées sociales et environnementales du tourisme dans ces villages?
Au plaisir de vous lire...
Philippe