dimanche 18 septembre 2011

Le temps des vacances…. et du retour (nement des morts)…







Les vacances, c’est le changement de rythme, d’occupations, de rencontres, le resserrement des liens familiaux, le dé-paysement…On a donc changé de pays pour juillet et août  …et sommes revenus en  France avant notre dernier séjour  de longue durée à Mada pour rentrer at home ( bien qu’anti-nucléaires) en mars 2012, à pieds, à cheval ou en cargo.
C’est aussi le temps de se plonger dans des livres qu’on aime, livres à la fois amusants et instructifs comme : Que faire des crétins, ou Les mots qui me font rire, ou des Carnets de route de long périples de jeunes routards ou de moins jeunes ( Africa treck : 14000 km du Cap au Kilimandjaro, Alexandre et Sonia Poussin, tome 1 !) émaillés de réflexions personnelles sur leurs rencontres.
J’ai beaucoup aimé l’ouvrage écrit par deux de mes jeunes anciens étudiants de l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers, Yannick et Marie-Hélène Billard : « De Chambéry au Cap de Bonne Espérance. A vélo, un voyage solidaire » (1).
Permettez moi de partager avec vous, lecteur qui voyagez aussi , quelques passages, dont celui –ci sur l’attitude intérieure du voyageur :
« Nous nous remémorons ce beau conte africain : deux voyageurs rentrent l’un après l’autre dans un village. Le 1er, apercevant un vieil homme assis à l’entrée de sa maison lui demande comment sont les gens du hameau. L’autre répond par cette question : «  Pourquoi voyagez vous ? » . Le voyageur annonce sa soif de rencontre, son envie de connaître d’autres vies, sa quête d’échange et d’amitié humaine. Alors le vieil homme lui dit : « Les habitants de ce village sont ouverts et accueillants, vous serez bien reçus. ».
Le 2ème voyageur arrive  et pose la même question au vieil homme qui lui renvoie « pourquoi voyagez-vous ? ».  Le voyageur explique qu’il fuit les gens de son pays et de sa famille qui sont désagréables et ne le considèrent pas à sa vraie valeur. Alors le sage lui dit : «  Les habitants de ce village sont fermés et malveillants. Passez vite et ne vous arrêtez pas » . Un homme qui a observé toute la scène s’approche et demande au vieil homme une explication sur ses deux réponses si différentes à la même question. Le sage lui répond : «  On trouve ce qu’on vient chercher. Il faut d’abord regarder en soi avant de se tourner vers les autres » 
Comme nous à Madagascar, Yannick et Mie Hélène ont été étonnés de tant de monde et de ferveur dans les centres de culte de beaucoup de pays africains :
« Ferveur et foi éclatent. Façon de résister à la pauvreté ? Ils ont confiance. Terrible paradoxe : quand «  on a tout » , on a peur de l’avenir ; quand on est démuni, on croit en un avenir meilleur, il n’y a rien à perdre ».
Et ce n’est pas pour rien que leur périple de 18 mois se termine au « Cap de Bonne Espérance » ; après  ce choc constant de la misère omniprésente, ils y trouvent une raison d’espérer :
« Les Sud-Africains sont maintenant persuadés que leur pays va dans le bon sens et qu’il construit un avenir meilleur pour tous. Cet ambitieux défi sud-africain d’égalité sociale concerne le monde entier. N’ouvre t-il pas le plus extraordinaire des chantiers humanistes ? Ni ici, ni ailleurs, des hommes ne peuvent être maintenus dans la pauvreté pour satisfaire les besoins des plus riches. Bien sûr cela prendra encore du temps, mais nous sommes persuadés qu’il s’agit bien de la seule voie d’avenir. Après une période de vaches maigres qui a pris fin chez nous au lendemain de la seconde guerre mondiale, est venu le temps de la consommation débridée. Nous la vivons , et tout désir matériel  est en mesure d’être satisfait. N’est-il pas temps pour nos « civilisations » de passer au temps du partage ? L’Afrique du Sud nous en montre le chemin . »
Mais le temps des vacances est passé et nous sommes de nouveau dans nos jobs de retraités actifs. Cécile a retrouvé le chemin de l‘atelier de couture avec les femmes du parrainage Lyon-Mada  et reverra bientôt les orphelins des sœurs de mère Teresa. Et moi le chemin du labo de l’hôpital et les formations diverses à assurer , dont la formation de médecins malgaches à l’usage des  huiles essentielles  (malgaches).
Pompon
(1) (1)    Artisans-Voyageurs Editeurs, 2010


Je me permets de rajouter mon grain de sel (de la terre, pour continuer les réflexions philosophiques du dessus).  A peine arrivés à Antsirabé, nous avons eu droit à des « tongasoa » de partout. « Bienvenue », en fait. Et cela m’a frappé (pas trop fort quand même !) car lors de notre arrivée il y a 3 ans, personne ne nous adressait la parole. Comme quoi on commence à s’inscrire dans le paysage.
Et Jean Claude, notre « fils » malgache ( il nous appelle « mama » et « dada ») en photo ci-dessus nous a invités à un retournement des morts (famadihana), une cérémonie ici  haute en couleurs, en poussières, en musique, en rhum et en émotions. De quoi s’agit-il ? A la date où un « astrologue » le juge indispensable, il faut sortir les morts de leur caveau, leur faire prendre un peu l’air et un coup de rhum et hop, on remet le tout au tombeau, un trou en terre sur un terrain vague recouvert d’un amoncellement de briques. La tombe en question était très ancienne, elle contenait les ancêtres de 5 générations. Au total il y avait donc 5 à 600 descendants et collatéraux, rassemblées près de tombeau. Car assister au retournement des morts est une obligation morale. Si on ne se plie pas à la tradition, on est exclu de la famille et on ne peut plus être enterré avec les siens, on perd donc droit à toute filiation…  Tant de monde sur un terrain vague (mais sacré puisqu’il  abrite un tombeau) poussiéreux, sous la chaleur, c’est un peu éprouvant. Surtout que tout le monde veut voir piocher l’entrée du tombeau, faire rouler la première pierre (cela ne vous rappelle rien ?), puis la seconde  et … sentir l’odeur !! Heureusement avec le rhum, le vent et la poussière, tout passe vite. Puis commence le macabre va-et-vient. Les morts, dans leur linceul, enveloppés dans des nattes sont embarqués un peu plus loin, mis par terre et  entourés de leur proche ils sont « rhumisés » et enroulés dans un nouveau linceul… Des petits groupes se forment autour de chaque cadavre. De l’émotion ? On a vu une femme faire un malaise mais n’était-ce pas la chaleur et la poussière ou le rhum ? parce que dans l’ensemble c’est un joyeux « foutoir ». Car voyez-vous, autant de monde  et  autant de cadavres (on est partis après la sortie du quatrième !!) il faut de la discipline. Mais là tout le monde criait, hurlait, que c’était son tour, que c’était le sien, qu’il fallait reculer, mais non… avancer les nattes…  Même le maître de cérémonie qui s’époumonait dans son sifflet n’arrivait pas à mettre de l’ordre.
Il faut dire pour mieux comprendre l’état d’esprit des participants que la fête commence la veille : on mange, on boit (du rhum , beaucoup, même les femmes ), on danse toute la nuit et le jour suivant ( cécile en photo) ,on arrive au tombeau, précédé par un orchestre de musiciens,   dans un état quasi second.
Nous sommes revenus de la cérémonie un peu sous le choc (même que moi sur le terrain, j’ai pris un coup de pied de cadavre  dans le dos –le traitre- , ses porteurs avaient du mal à avancer dans la foule…) et comprenant un peu mieux la mentalité malgache. Ils sont rivés au passé, aux ancêtres, aux traditions, incapables de se projeter dans l’avenir. Coïncidence : le même soir aux infos, c’était la commémoration du 11  septembre 2001 et des américains expliquaient aux journalistes que c’était important ce travail de mémoire mais que c’était la force des Etats Unis d’être tournés vers l’avenir !
Entre passé et avenir, où sommes-nous, nous qui commençons à penser au rangement des malles et à la résiliation des contrats d’assurance et d’électricité .. ? Presque sur le départ avec un retour prévu mars 2012, mais toujours ici à essayer de pérenniser les actions entreprises. Mais de cette cérémonie de famadihana, on est revenus un peu retournés nous aussi…
cécile

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