mardi 2 novembre 2010

Accueil villageois à Ambohidranandriana ( « l’endroit de la famille du roi »)



le soir, c'est la fête !


On vous a déjà entretenu de notre attrait pour les séjours à  la campagne, sans eau courante, ni électricité, ni télé, ni frigidaire.  Deux ou trois fois l’an passé, nous avons séjourné dans un village au pied du mont Ibity. Avec quelques amis, nous avons récidivé ce week-end de la Toussaint à Ambohidranandriana, un autre village, à 1h d’Antsirabé.
Les enfants, toujours plus franchement curieux que les grandes personnes, courent le long de la piste pour voir ces quelques  vahines ( étrangers), qui s’aventurent dans leur paisible campagne ; certains s’enfuient à toutes jambes, peut être en souvenir des histoires de vazahas mangeurs de cœur d’enfants, version malgache du petit chaperon rouge et du grand méchant loup.  Après le passage d’une porte faite d’imposantes pierres dressées, genre menhirs gaulois, nous pénétrons dans l’œuf originel de ce  plus vieux village du Vakinankaratra, encore entouré de ses fossés de défense du 18ème siècle. Nous découvrons une place où une stèle commémore l’indépendance acquise en 1960 ( photo) après une insurrection (1947) très durement réprimée par les autorités françaises.

Les Anciens nous attendent. L’un d’ eux nous souhaite la bienvenue tout en déplorant le tarissement de la seule source d’eau potable, ce qui oblige les femmes et les enfants à aller chercher loin l’eau nécessaire; un autre, pasteur luthérien, nous fait part de sa préoccupation d’écrire l’histoire afin que la mémoire des lieux ne se perde pas. Car  ici vécut le roi Andriamasoandro et tous les habitants sont ses descendants. Avec nos guides nous entreprenons la visite du village « hors fossé », traversons les rizières (encore vierges de plants) désespérément sèches, allons jusqu’à la source qui laisse sourdre quelques rares gouttes d ‘eau. C’est sûr qu’après ça, on se lave les bouts des doigts avant de passer à table avec une autre conscience et on prie (car la source a aussi un caractère sacré !) pour que tombe la précieuse pluie . L’école primaire, toute neuve et toute bleue, est entourée de magnifiques cierges d’euphorbes.



 On découvre la fabrication du compost, les semis de riz sur platebandes, la fromagerie artisanale (et ses mouches), la fabrication d’oiseaux en cornes de zébu, la confection de petites soubika avec des herbes des champs, le bureau du Fokontany (annexe de la mairie) reconnaissable au drapeau national, et la seule épicerie du coin capable de fournir de la bière…
Un goûter nous attend : beignets succulents salés ou sucrés, à la banane, à la pomme de terre, au manioc, tisane de citronnelle et café. Le soir tombe. Lycéen en terminale, le fils d’un des animateurs du village prend sa guitare et commence à chanter des airs malgaches repris en chœur par une troupe d’enfants attirés par la musique comme les papillons de nuit par la lumière.  C’est beau, joyeux, émouvant. On danse avec eux pour communier à l’allégresse ambiante. Les gamins sont fous de se voir sur les appareils photo ! Un dîner suit, avant que le feu de camp prévu ne soit interrompu par un orage trop court pour apporter l’eau tant espérée. On termine la soirée en chantant à l’intérieur de la maison en pisée de Hanitra et Perline. La musique malgache a ceci de particulier qu’elle est à trois temps désynchronisés (pas comme la valse) difficiles à suivre et qu’elle utilise beaucoup de dièses.
La nuit est calme, reposante. Le coq chante une fois, à 4h du matin, 2 fois à 5h, puis il n’insiste plus : à quoi bon, le jour est levé, d’autres activités l’attendent. Pour nous ce sera une excursion de plus de 10 km. L’aller est rude, tout en montée. On croise de nombreuses villageoises  qui descendent au village portant sur la tête d’énormes charges de bois destiné à être vendu comme  combustible. Cécile essaie pour voir, la charge qu’elle se met sur la tête est loin d’être aussi lourde que celles de certaines femmes qui font cela, pieds nus sur des dizaines de kilomètres ! … (photo).

 Les hommes, eux, portent des sacs de charbon de bois sur d’étranges brouettes, fabrication artisanale locale, très étroites. La forêt est exploitée, saignée sans grandes préoccupations environnementales par l’usine « Cotona » (textiles en coton !!) d’Antsirabé. Charpentiers et menuisiers du secteur peuvent aussi acheter du bois sur pied. Une forêt exploitée donc gardée, qui ne subit pas les assauts du feu comme partout ailleurs…
 Ca y est, on arrive au bord d’un petit lac. Son eau, bien qu’un peu boueuse, est très prisée pour laver le linge, faire les shampoings et la toilette des enfants, permettre aux zébus et aux porcs de boire, aux canards de patauger. Des garçonnets s’amusent comme des petits fous à dévaler les pentes alentour sur un rustique charriot fait de trois rondins et quatre roues de bois et cécile se donne en spectacle ! ( photo).

 Deux animateurs nous rejoignent à vélo, apportant un pique-nique royal : maïs blanc aux fines herbes, ravitoto ( porc + feuilles de manioc), yaourt, le tout arrosé de jus de carottes et de tamarin , que du diététique quoi !
Et c’est le retour. En chemin nous discutons avec nos guides, professeure au CEG,  ou paysans ayant parfois étudié jusqu’en terminale, gens lettrés comparés à la grande majorité des villageois qui ne savent ni lire ni écrire. Il est bien sûr question du prochain référendum constitutionnel de novembre ; nos guides dénoncent le manque d’informations sur le sujet comme sur le programme d’élections à venir destinées à sortir le pays de la crise… D’ailleurs on se demande quelle est la valeur de nos règles démocratiques dans un pays où sévit l’analphabétisme. La base même de la démocratie n’est -elle pas d’abord la justice, le respect et la préoccupation des citoyens par les dirigeants ? Qu’attend le peuple sinon d’abord de pouvoir manger à sa faim, d’avoir un toit qui ne prend pas trop l’eau quand il pleut, de se soigner et d’envoyer ses enfants à l’école ?
En campagne vit  encore ¾ des malgaches. Nous aimons  ces échanges qui nous font découvrir des animateurs ruraux, responsables, ouverts aux autres, curieux de nouvelles expériences, désireux de  participer à une dynamique de développement favorisée par le « coup de pouce » de l’éco-tourisme. Ils sont les piliers de cette terre, résistant au découragement généralisé. C’est vivifiant et redonne confiance dans l’avenir du pays.


NB : la région du Vakinankatra où nous habitons ressemble à l’Auvergne par ses longues chaînes d’anciens volcans et par ses sources thermales dont l’une s’appelle «  Rano visy » ( « eau de Vichy » ) en raison  de sa composition chimique très proche de celle de Vichy. C’est sans doute la raison du rapprochement entre les deux régions, et l’aide apportée par la région Auvergne en termes de formations en langue française, animation, artisanat local ( cuisine, hygiène, poterie, vannerie, ferronnerie, broderie, etc…) pour les habitants des 4 sites  proposant un « accueil villageois ». 





La lecon de Felana

Avec 50 % de population de moins de 20 ans, Madagascar est un pays jeune qui doit faire face à un terrible défi : former toute sa jeunesse puis lui permettre de trouver un emploi. Compte tenu de la défaillance –du moins c’est ce que l’on dit*- du système scolaire public, le privé prend de plus en plus de place. Au bout de notre rue, en moins de 2 mois, l’école « Frisquette » - pas chauffée bien sûr- a été construite : un bâtiment d’un étage, au total guère plus de 250 m2 au sol, qui reçoit aujourd’hui près de 400 collégiens et lycéens. Pas de cour de récré, pas de terrain de sport, du concentré en hauteur, pas de contrat d’éducation, c’est la libre entreprise ! En deux temps trois mouvements, une simple maison d’habitation devient école, l’allée devant la dite maison cour de récré, et la gargote du coin fait office de cantine. Pour les parents, qui veulent ici comme ailleurs donner le meilleur à leurs enfants, le choix est un véritable casse-tête. Entre le privé sans foi ni loi pas trop cher (comme Frisquette), le privé avec foi et cher, le public mal perçu mais pas cher, l’école française d’accès réservé mais de bonne réputation, difficile de s’y retrouver. Les slogans tentent de faire la différence : « assiduité, réussite et travail », « travail, réussite et patrie », «travail, bonheur et réussite…. », « savoir, sagesse et sécurité »…. Mais le montant de l’écolage (inscription, mensualités, fournitures et uniforme) est le moyen le plus sûr pour remplir les classes …. et les escarcelles de ces entrepreneurs d’un nouveau genre. Mais quelque soit la solution choisie, les frais engendrés, en particulier en début d’année scolaire, sont toujours démesurés par rapport aux revenus. Ils égalent souvent, pour un seul enfant, plus de la moitié d’un mois de salaire.
Très sollicités pour payer l’écolage de tel ou tel, conscients de l’importance de l’éducation pour l’avenir du pays, nous n’hésitons pas à pourvoir aux besoins d’un élève qui semble avoir 1) des dispositions, 2) un projet d’avenir, 3) des difficultés familiales.
La première fois que nous avons rencontré Félana, c’était en 2008, quelques semaines après notre arrivée à Mada. Pompon et moi avions été séduits par cette gamine de 11 ans. A l’époque, elle entrait en CM2, parlait assez bien le français puisqu’elle était capable de traduire ce que nous disions à sa tante qui l’avait en charge (elle n’avait pas de père et avait été abandonnée à la naissance par sa mère). Elle habitait, avec sa tante donc, une masure sans eau, ni électricité, ni table, ni chaise, avec juste un grabat pour dormir. Son projet : devenir médecin. Ses résultats scolaires ? tête de classe. Manifestement une gamine qui entrait dans les critères que nous nous étions fixés pour jouer à l’ascenseur social.
Quand j’ai commencé à faire du français à l’école primaire publique (l’EPP) d’Ambohimena, j’ai eu Félana comme élève : capacités confirmées. En toute logique, elle a réussi son concours d’entrée en sixième. Elle nous a, alors, demandé de payer ses fournitures pour entrer au Collège public de Man-danerisaka, non loin de l’orphelinat où je vais deux fois par semaine. Bien sûr, nous avons répondu à la sollicitation, gardant à l’esprit l’avenir de la gamine : devenir médecin !
Toute l’année dernière, nous nous sommes apprivoisés, comme le renard et le Petit Prince de St Exu-péry. Quand elle avait besoin de quelque chose, elle venait frapper à la porte. Une fois, elle m’a at-tendue à la sortie de l’EPP pour demander des lunettes. Une autre fois pour payer des frais excep-tionnels d’écolage. Je suis allée rencontrer la directrice de son collège (public) qui m’a fourni ses résultats scolaires: corrects mais moyens. Il faut dire que Félana commençait à courir la ville pour vendre des colliers, avec Lucie, une autre gamine de son âge, orpheline elle aussi. Et que la vente à la sortie des hôtels pour touristes blancs était assez lucrative. Bien sûr nous nous sommes fendus de quelques colliers et avons, avec son accord, inscrit Félana à la bibliothèque du Centre St Paul pour qu’elle puisse lire et travailler sous le regard bienveillant de la bibliothécaire à qui nous avions deman-dé de l’aider. Le jour de la fête des mères, Félana et Lucie sont venues m’offrir un petit bouquet de fleurs (en plastique). Cela m’a, vous l’imaginez, un peu tourneboulé. Mi-juin, je commençais à poser quelques jalons : « Félana, est-ce que l’année prochaine, tu veux aller au Collège St Joseph (le nec plus ultra des établissements d’Antsirabé, le plus coté, très bons résultats, meilleur suivi des élèves) ?». Après réflexion, Félana a dit « oui ». Je savais qu’il faudrait lui permettre de travailler le soir dans des conditions correctes, qu’il faudrait l’aider à faire ses devoirs, lui assurer le repas du midi... Donc, j’ai contacté Jeannine, la toubib du labo, et Albine, responsable d ‘un dispensaire d’ophtalmologie, et Lucas, responsable d’une maison d’enfants … un vrai réseau pour mettre Félana en situation de réussite. Nous avons, Albine et moi, pris le temps d’aller discuter deux bonnes heures avec sa famille de son avenir et de la possibilité de l’inscrire à St Joseph.
Début Octobre, c’était chose faite : pour 1 an, 230 000 ariary, un peu moins de 100 euros ! Première journée d ‘école, c’ était ok pour continuer. Puis elle a rejoint Lucie, sa copine, et sa grand mère. Le lendemain, revirement total, elle a presque jeté à la figure d’Albine l’argent que celle-ci lui avait donné pour prendre le taxi-be (le bus local) et elle m’a rendu les vêtements que Jeannine avait achetés pour elle au petit marché.
Notre « ego » en a pris plein son petit gilet !! Deux ans de travail d’approche pour aboutir à ce résul-tat : Félana n’était plus inscrite, ni à St Jo ni à Mandanerisaka (où nous avions fait transférer son éco-lage sur d’autres enfants eux aussi nécessiteux !), son avenir était peut-être mis à mal, voire définiti-vement compromis ! Ce que, bien sûr, nous n’osons pas imaginer …
Que s’était-il donc passé ? Sans doute avions-nous fait de notre mieux pour rendre son intégration à St Joseph aussi douce que possible. Mais la marche était-elle trop haute à franchir? l’attrait de la liberté de la rue trop présente ? l’amitié de Lucie (qui, elle, était prise dans une autre structure) trop forte ? notre exigence trop pressante ? les grabats de la grand mère et de la tante trop im-portants pour ne les retrouver que les WE et les vacances ?

Sans le savoir, Félana nous a donné une belle leçon. Le panache avec lequel elle a refusé notre aide augure, nous l’espérons, d’une volonté de prendre son avenir en main, seule. Mais, nous avons su quelques jours plus tard qu’elle avait demandé l’aide d’autres vazahas de passage (blancs d’ici…). Elle est toujours à vendre des colliers à la porte des hôtels de touristes et ceux-ci n’ont pas toujours de très bonnes intentions...

A l’évidence, aider au développement d’un pays et à l’éducation de sa jeunesse n’est pas facile. C’ est ça aussi la leçon de Félana l

*Mais je connais quelques enseignants du système public, je trouve qu’ils font un travail remarquable pour un salaire de misère et dans des conditions difficiles (tableau qui n’a plus de peinture, pas d’électricité dans les classes ni d’éponge pour essuyer le tableau et 60 élèves par classe !!)

La lecon de Felana

Avec 50 % de population de moins de 20 ans, Madagascar est un pays jeune qui doit faire face à un terrible défi : former toute sa jeunesse puis lui permettre de trouver un emploi. Compte tenu de la défaillance –du moins c’est ce que l’on dit*- du système scolaire public, le privé prend de plus en plus de place. Au bout de notre rue, en moins de 2 mois, l’école « Frisquette » - pas chauffée bien sûr- a été construite : un bâtiment d’un étage, au total guère plus de 250 m2 au sol, qui reçoit aujourd’hui près de 400 collégiens et lycéens. Pas de cour de récré, pas de terrain de sport, du concentré en hauteur, pas de contrat d’éducation, c’est la libre entreprise ! En deux temps trois mouvements, une simple maison d’habitation devient école, l’allée devant la dite maison cour de récré, et la gargote du coin fait office de cantine. Pour les parents, qui veulent ici comme ailleurs donner le meilleur à leurs enfants, le choix est un véritable casse-tête. Entre le privé sans foi ni loi pas trop cher (comme Frisquette), le privé avec foi et cher, le public mal perçu mais pas cher, l’école française d’accès réservé mais de bonne réputation, difficile de s’y retrouver. Les slogans tentent de faire la différence : « assiduité, réussite et travail », « travail, réussite et patrie », «travail, bonheur et réussite…. », « savoir, sagesse et sécurité »…. Mais le montant de l’écolage (inscription, mensualités, fournitures et uniforme) est le moyen le plus sûr pour remplir les classes …. et les escarcelles de ces entrepreneurs d’un nouveau genre. Mais quelque soit la solution choisie, les frais engendrés, en particulier en début d’année scolaire, sont toujours démesurés par rapport aux revenus. Ils égalent souvent, pour un seul enfant, plus de la moitié d’un mois de salaire.
Très sollicités pour payer l’écolage de tel ou tel, conscients de l’importance de l’éducation pour l’avenir du pays, nous n’hésitons pas à pourvoir aux besoins d’un élève qui semble avoir 1) des dispositions, 2) un projet d’avenir, 3) des difficultés familiales.
La première fois que nous avons rencontré Félana, c’était en 2008, quelques semaines après notre arrivée à Mada. Pompon et moi avions été séduits par cette gamine de 11 ans. A l’époque, elle entrait en CM2, parlait assez bien le français puisqu’elle était capable de traduire ce que nous disions à sa tante qui l’avait en charge (elle n’avait pas de père et avait été abandonnée à la naissance par sa mère). Elle habitait, avec sa tante donc, une masure sans eau, ni électricité, ni table, ni chaise, avec juste un grabat pour dormir. Son projet : devenir médecin. Ses résultats scolaires ? tête de classe. Manifestement une gamine qui entrait dans les critères que nous nous étions fixés pour jouer à l’ascenseur social.
Quand j’ai commencé à faire du français à l’école primaire publique (l’EPP) d’Ambohimena, j’ai eu Félana comme élève : capacités confirmées. En toute logique, elle a réussi son concours d’entrée en sixième. Elle nous a, alors, demandé de payer ses fournitures pour entrer au Collège public de Man-danerisaka, non loin de l’orphelinat où je vais deux fois par semaine. Bien sûr, nous avons répondu à la sollicitation, gardant à l’esprit l’avenir de la gamine : devenir médecin !
Toute l’année dernière, nous nous sommes apprivoisés, comme le renard et le Petit Prince de St Exu-péry. Quand elle avait besoin de quelque chose, elle venait frapper à la porte. Une fois, elle m’a at-tendue à la sortie de l’EPP pour demander des lunettes. Une autre fois pour payer des frais excep-tionnels d’écolage. Je suis allée rencontrer la directrice de son collège (public) qui m’a fourni ses résultats scolaires: corrects mais moyens. Il faut dire que Félana commençait à courir la ville pour vendre des colliers, avec Lucie, une autre gamine de son âge, orpheline elle aussi. Et que la vente à la sortie des hôtels pour touristes blancs était assez lucrative. Bien sûr nous nous sommes fendus de quelques colliers et avons, avec son accord, inscrit Félana à la bibliothèque du Centre St Paul pour qu’elle puisse lire et travailler sous le regard bienveillant de la bibliothécaire à qui nous avions deman-dé de l’aider. Le jour de la fête des mères, Félana et Lucie sont venues m’offrir un petit bouquet de fleurs (en plastique). Cela m’a, vous l’imaginez, un peu tourneboulé. Mi-juin, je commençais à poser quelques jalons : « Félana, est-ce que l’année prochaine, tu veux aller au Collège St Joseph (le nec plus ultra des établissements d’Antsirabé, le plus coté, très bons résultats, meilleur suivi des élèves) ?». Après réflexion, Félana a dit « oui ». Je savais qu’il faudrait lui permettre de travailler le soir dans des conditions correctes, qu’il faudrait l’aider à faire ses devoirs, lui assurer le repas du midi... Donc, j’ai contacté Jeannine, la toubib du labo, et Albine, responsable d ‘un dispensaire d’ophtalmologie, et Lucas, responsable d’une maison d’enfants … un vrai réseau pour mettre Félana en situation de réussite. Nous avons, Albine et moi, pris le temps d’aller discuter deux bonnes heures avec sa famille de son avenir et de la possibilité de l’inscrire à St Joseph.
Début Octobre, c’était chose faite : pour 1 an, 230 000 ariary, un peu moins de 100 euros ! Première journée d ‘école, c’ était ok pour continuer. Puis elle a rejoint Lucie, sa copine, et sa grand mère. Le lendemain, revirement total, elle a presque jeté à la figure d’Albine l’argent que celle-ci lui avait donné pour prendre le taxi-be (le bus local) et elle m’a rendu les vêtements que Jeannine avait achetés pour elle au petit marché.
Notre « ego » en a pris plein son petit gilet !! Deux ans de travail d’approche pour aboutir à ce résul-tat : Félana n’était plus inscrite, ni à St Jo ni à Mandanerisaka (où nous avions fait transférer son éco-lage sur d’autres enfants eux aussi nécessiteux !), son avenir était peut-être mis à mal, voire définiti-vement compromis ! Ce que, bien sûr, nous n’osons pas imaginer …
Que s’était-il donc passé ? Sans doute avions-nous fait de notre mieux pour rendre son intégration à St Joseph aussi douce que possible. Mais la marche était-elle trop haute à franchir? l’attrait de la liberté de la rue trop présente ? l’amitié de Lucie (qui, elle, était prise dans une autre structure) trop forte ? notre exigence trop pressante ? les grabats de la grand mère et de la tante trop im-portants pour ne les retrouver que les WE et les vacances ?

Sans le savoir, Félana nous a donné une belle leçon. Le panache avec lequel elle a refusé notre aide augure, nous l’espérons, d’une volonté de prendre son avenir en main, seule. Mais, nous avons su quelques jours plus tard qu’elle avait demandé l’aide d’autres vazahas de passage (blancs d’ici…). Elle est toujours à vendre des colliers à la porte des hôtels de touristes et ceux-ci n’ont pas toujours de très bonnes intentions...

A l’évidence, aider au développement d’un pays et à l’éducation de sa jeunesse n’est pas facile. C’ est ça aussi la leçon de Félana l

*Mais je connais quelques enseignants du système public, je trouve qu’ils font un travail remarquable pour un salaire de misère et dans des conditions difficiles (tableau qui n’a plus de peinture, pas d’électricité dans les classes ni d’éponge pour essuyer le tableau et 60 élèves par classe !!)