Pourquoi les forêts brûlent-elles à Madagascar ?
Vous me direz qu’elles ne brûlent pas seulement à Madagascar…en Guyane française aussi, en amazonie et bien d’autres régions du monde. C’est la culture sur brûlis, pour trouver des surfaces supplémentaires à cultiver ou pour remplacer l’herbe dure qui a séché au soleil par de la jeune herbe tendre aimée des troupeaux (l’écobuage ne se pratiquait-il pas aussi dans nos montagnes ?).Ou encore pour transformer ces arbres en charbon de bois vendu à la ville pour faire cuisine.
A Madagascar , cela existe aussi, mais le phénomène s’amplifie tous les ans d’ août à novembre dans de telles proportions que la capitale Tananarive s’embrume de ces fumées ; d’avion on aperçoit, depuis les côtes jusqu’au centre de l’île, des massifs entiers noircis par les feux, laissant émerger quelquefois le spectre de quelques troncs d’arbre. Et ce n’est pas d’aujourd’hui :
« …Une terre fripée émerge des eaux .De ses plis marqués comme des veines, du sang s’écoule dans la mer. Cette chose rousse et pelée, c’est Madagascar, qui se meurt d’une hémorragie continuelle de ses terres arables et l’ignore noblement, tel un empereur désabusé, les poignets ouverts dans son bain. A ce degré, l’érosion a un visage de hantise. La surface de l’île, autrefois couverte de forêts, est mise à nu comme un cerveau gigantesque… » ( Edmond Pidoux, Madagascar maître à son bord, 1962 ). C’est cette érosion constante des sols emmenés par les pluies et les grandes fleuves qui a donné à Madagascar ce nom d’ « île rouge »…
Les associations de protection de la nature malgaches baissent les bras , le feu atteint même les parcs naturels, faire-valoir touristique de Madagascar, comme le célèbre parc de l’Isalo cette année. Vers Diégo il se dit que des villages n’ont plus d’eau car le rôle d’éponge-réserve de la forêt a disparu.
« En cinquante ans notre patrimoine est dévasté, ruiné par nous-mêmes, par imprévoyance, par inconscience, pour des raisons d’intérêt immédiat et personnel, alors que la volonté de reconstruction et de réparation est très faible pour ne pas dire nulle… » ( Le patrimoine malgache en 50 ans, passeport pour Madagascar, juillet-août 2010).
J’arrive au volant de notre vieille Suzuki après 2h de trous et de bosses ( ça s’appelle une piste ) dans le village de notre gardien pour célébrer un famadihana ( « retournement des morts ») et j’aperçois les collines alentour toutes brûlées ( photo). Notre gardien est campagnard et intelligent. Aussi je l’interroge sur les raisons du désastre. « C’est un accident, me répond t-il, mais le brûlis est une tradition et Rajoelina le permet… ». Tiens donc…certains présidents de la république précédents ont donc brimé un peu ce phénomène, mais pas celui-ci, président de cette crise qui dure depuis 1,5 an et encore sans doute pour une autre année ! Il y a bien dans cette pratique une relation avec le pouvoir central, et pas seulement avec la tradition…
Effectivement plusieurs observateurs ont noté que lors des crises politiques ( et il y en a périodiquement à Madagascar) les restes de forêt brûlaient davantage. Certains n’hésitent pas à qualifier ces pratiques de « manifestations de violence collective , expression de la colère, du ressentiment contre le pouvoir ou contre une quelconque autorité qui commet des abus .Je me sens méprisé, bafoué, je suis pauvre, les prix augmentent, j’ai des difficultés à vivre…alors je mets le feu » ( 1) .C’est la forêt qui endosse le ressentiment général, à défaut d’autres manifestations possibles ou d’une croyance dans l’efficacité d’un bulletin de vote .
Serait-ce que notre environnement reste comme partout ailleurs notre exutoire et le reflet de nos société ?....
Pompon
(1) Violences malgaches, Christian Alexandre, Foi et justice, Antananarivo, p44
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